Ou ma petite pierre à l'édifice de la compréhension mutuelle en Belgique.
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Als mijn Nederlands niet goed genoeg is, het vertaaling was door Sarah gedaan. Veel bedankt Sarah!
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Bonjour à tous,
Tout d'abord, un préambule, parce que je m’attaque à un gros morceau.
Je ne prétends pas détenir la vérité, loin de là. Je vais tenter de vous expliquer ce que je perçois de ce que les Francophones comprennent et veulent.
Je vais utiliser les termes « vous » et « nous » ; «vous», les Flamands et «nous», les Francophones. Je sais que ces groupes ne sont pas homogènes.
Je regrette aussi cette dualité entre ces deux «groupes» qu’on oppose. Mais nous en sommes malheureusement là. Je tente de traduire une perception — la mienne — et je vais me concentrer sur les domaines où je la pense pertinente. Et je ne suis le porte-étendard de personne.
Je commencerai par le «besoin francophone exprimé». Une notion que l’on reprend sous un vocable difficile à faire passer :
« Demandeurs de Rien »
Cette formule est très mal comprise de votre côté de ce qui ressemble de plus en plus une frontière entre États.
Elle évoque pour vous le refus des réformes. Pas pour nous.
Ce qu'elle signifie pour nous c'est que l'homme de la rue en Wallonie n'en a rien à caler du type de nos institutions ou de comment s’appellent ses diverses composantes. On s’en fiche.
Si la classe politique flamande veut donner tel nom à tel truc, ou changer l’organisation de telle partie du gouvernement… we-don't-care.
Nous voulons juste un appareil qui fonctionne et, si possible, l'améliorer un peu. Et nous voulons dépolitiser aussi, parce que oui, « y’a de l’abus »; à ce sujet on est d'accord avec vous.
Trente ans de parti socialiste au pouvoir, ça laisse des traces ; là c’est plutôt un avis personnel, mais beaucoup seront d’accord. (update: désolé pour mes amis socialistes, que cette phrase embête beaucoup. Elle est là comme rappel du fait que 65% de la wallonie ne vote pas PS; malgré les 35% du PS, des majorités alternatives sont possibles, ce n'est pas une fatalité)
Vous, vous voulez reformer. Et en fait, on serait volontiers partants pour le faire avec vous.
C’est juste que pour vous, réformer, c'est transférer des pouvoirs et séparer nos entités fédérales.
Et là ça va un peu moins bien.
Au nom d'un régionalisme ou nationalisme que nous trouvons du plus mauvais aloi…
…vous rompez l'équilibre.
Pourquoi de mauvais aloi? Parce que le concept de nation est une idée au nom de laquelle on a commis les pires atrocités. Contrairement à ce qui se dit dans une certaine Flandre que d'un air effaré nous voyons s'étendre, aucune nation ne vaut mieux qu'une autre.
Il n'y a pas d'Übermensch. Ni en Flandre ni ailleurs. Il n’y a pas non plus de Wallon fainéant et profiteur.
Le repli sur soi et sur une soi-disant identité monolithique ne mènent à rien. C'est par l'ouverture que l'on progresse. Je rappelle que vous avez du sang celte, germanique, espagnol, anglais, français, viking même… Et que vous parlez une bonne dizaine de néerlandais différents…
Il n’y a pas non plus de méchant Francophone qui tenterait d’empêcher le Flamand de parler Flamand (ou néerlandais). Aucun wallon n’a jamais tenté de limiter vos droits en ce sens. Au contraire, les textes qui protègent les minorités Francophones en Flandre protègent aussi les minorités flamandes en Francophonie belge et c’est très bien ainsi.
Par ailleurs, même si les mythes fondateurs du nationalisme flamand basés sur l’oppression linguistique dans les tranchées ou ailleurs étaient fondés, je vous signale qu’aucun de leurs acteurs n’est plus en vie.
La Flandre ne sera pas plus riche si elle s’affranchit des francophones. «Qui finance qui» est un sujet changeant et cyclique. Longtemps le Boerendond n’aurait pu être financé sans la sidérurgie wallonne. Le port d’Anvers a été financé par le fédéral. Tout comme Zaventem. Les pensions rétabliront l’équilibre pour autant qu’il y ait effectivement des transferts Nord-Sud. Le sujet devient vite complexe, surtout quand on mesure l’apport de PIB de Bruxelles vers la Flandre.
Démocratie?
Pour réaliser ce que vous voyez comme une émancipation et que nous percevons comme un repli identitaire égoïste, vous vous distancez des idéaux démocratiques.
La démocratie ce n'est pas la majorité qui impose sa force pour réduire les droits de la minorité.
Ce n’est pas une partie du peuple qui opprime une autre partie du peuple. C’est un corps représentatif constitué qui veille au bien de tous, au détriment de personne.
Ce n’est pas non plus voter pour des représentants qui ont plus que des liens de sympathie avec une extrême droite liberticide.
Or, quelles sont les méthodes de l’émancipation politique flamande ?
On supprime les recensements linguistiques, on dématérialise l’existence d’une population.
On annexe des régions francophones (on n'a pas oublié Fourons).
On veut supprimer la possibilité pour un francophone établi dans une commune depuis toujours de s’adresser à la justice dans sa langue.
On veut l’empêcher d’acheter une maison. On veut l’assimiler, faisant fi de sa différence.
On promet d’asphyxier Bruxelles, de l’étouffer par la fiscalité.
Des méthodes d’un autre temps; qui font froid dans le dos.
BHV
Et c’est exactement ce qu’il se passe pour BHV. Ce fameux arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvoorde.
Sous prétexte d’être « chez soi » la Flandre touche à ce précieux équilibre, ce qui explique une certaine crispation francophone.
Voyez plutôt :
Un jour les Flamands ont réclamé une frontière linguistique pour empêcher que le français s’étende en une sombre tâche d’huile. Les Francophones ont accepté, comme vous le savez.
Mais aux alentours de Bruxelles se trouvaient des communes avec de très forts pourcentages de Francophones. Parfois une majorité de francophones.
Pour tenir compte de cette réalité nos édiles ont créé BHV, un arrondissement mixte avec des droits mixtes. Ils ont aussi inventé les communes à facilités.
Aujourd’hui vous voudriez supprimer la mixité de cet arrondissement. Ainsi que les facilités.
Et que recevrions-nous en échange ? Rien. Peanuts.
Comment protégerons-nous ces cent cinquante mille francophones pour leur permettre de s'exprimer dans leur langue dans la vie publique ou même pour tout simplement jouer au tennis ?
Ha ben non, qu’ils deviennent Flamands.
Est-ce là réellement une solution démocrate ?
Pour un Francophone, toucher à BHV c’est toucher à la frontière et cela doit aller dans les deux sens.
Evoluer
Nous comprenons assez bien par ailleurs le malaise qui peut être ressenti en périphérie. Par moments on peut se sentir dépassé quand le monde évolue trop. Nous avons tous eu peur un jour ou l’autre d’un « plombier polonais ». l’Europe s’étend et nous ne nous y sentons pas toujours à l’aise.
Ce malaise n’en est pas plus légitime pour autant. Du moins, en termes d’utilisation politique.
En stigmatisant les francophones du Rand, vous vous opposez à l'évolution naturelle de la métropole qu'est notre capitale fédérale commune.
Je vais vous apprendre quelque chose: il n'y a pas de plan de francisation de la périphérie.
Aucun incitant financier ni idéologique à aller s'installer en Flandre. Au contraire il y a plein de freins. Des freins à l'accès à la propriété, à l'emploi de sa langue, à la participation aux activités culturelles, à l’accès à la justice, aux soins hospitaliers, à l’éducation, aux services administratifs...
Mais les gens viennent quand même. Juste pour vous embêter? Pour franciser coûte que coûte la périphérie?
Non ! Ils ne viennent pas par plaisir ni parce que vous êtes des voisins accueillants mais parce qu’ils n'ont pas le choix.
Ils sont poussés là par la pression sur les prix de l'immobilier bruxellois et par la nécessité d'habiter près de leur lieu de travail.
Et ce faisant ils ont le droit de conserver leur identité linguistique et culturelle.
Et rappelez-vous qu’ils achètent leur terrain à des Flamands, qu’ils payent. Ils louent leurs appartements à des Flamands, qu’ils payent. Ils font appel à des agences immobilières flamandes, qu’ils payent.
Cette diversité est bénéfique pour tous ! Son rapport financier aussi.
Les élèves Flamands avaient l’opportunité, sans perdre leur identité, de pouvoir parler nativement une langue internationale.
Au lieu de cela, l’apprentissage du Français est en recul, une perte de bilinguisme qui pénalise vos enfants, pas nous. Et tout cela à cause d’un mauvais combat.
Alors oui il y a des stéréotypes ci-dessus. Des imprécisions, sûrement, des erreurs également. Mais quand je fais lire lire mon brouillon autour de moi, je note que l’assentiment est largement majoritaire quasi unanime sauf pour des détails en fait.
Vous me direz, «mais alors, que veulent les francophones ?»
Oh, trois fois rien. Regardez :
- un État solidaire
- où l’on ne brime personne
- où chacun peut s’exprimer dans sa langue et habiter où il veut
- où l’on accueille sans arrière pensée
- où l’on n'a pas peur de l'autre
- où l’on promeut sa culture positivement et pas en interdisant celle des autres
Un État dynamique et positif, où l’on passe plus de temps à développer les savoirs et les opportunités qu’à se tirer dessus à coups de circulaires et de Conseil d’État.
Un État où chacun assume son identité sans complexe, ni d’infériorité ni de supériorité.
Parce que le moment est grave.
Si la Flandre persiste dans l'établissement de barrières et de frontières, les Francophones devront jouer au même jeu stupide. Pour se protéger.
Parce qu’on ne va pas laisser 150.000 francophones derrière nous dans une région qui va les brimer. Une «nation» n’abandonne pas ses ressortissants. Ils sont Belges aujourd’hui. Avant qu’ils ne le soient plus demain, c’est en tant que Belges que nous chercherons à les protéger.
Parce que dans cette optique, l’élargissement de Bruxelles est pour nous la seule garantie valable de respect de nos droits.
Parce que si vous voulez limiter les droits des Francophones sans cette contrepartie il n’y aura pas d’autre choix que de scinder le pays.
On va devoir se préparer à la scission.
Elle ne nous fait pas peur.
Ou mieux, elle ne nous fait plus peur.
Et cela c’est grâce aux nationalistes flamands.
Toutes ces années de crise font que de plus en plus de Wallons et de Bruxellois se répètent cette phrase célèbre des couples en difficulté : «Mieux vaut être seul que mal accompagné»
Et êtes-vous encore vraiment de bonne compagnie ? Voulez-vous l’être ?
Le Wallon est peut-être un bon vivant mais quand on l’opprime il se lève et se bat !
Comme il s’est battu à vos côtés lors de cette fameuse bataille des éperons d’or et depuis 1830. (Si vous croyiez que les éperons d’or était une victoire purement flamande, que cela vous serve à mesurer l’étendue de la propagande nationaliste.)
Comme il se battra encore à vos côtés pour faire de la Belgique un lieu où il fait bon vivre ensemble.
Parce que les défis sont nombreux!
Faire de nos enfants des humains ouverts, accueillants, multilingues, bons, positifs.
Sauver les pensions et l’état social.
Dynamiser nos entreprenariats et relancer la création d’emplois stables via la formation.
Transformer notre modèle politique éclaté en un fédéralisme fédérateur.
Avis aux hommes de bonne volonté !
Hugues
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Je tiens à remercier mes relecteurs; vos avis et encouragement ont beaucoup pesé dans la parution de ce texte.
Merci aussi à tous les twittos qui suivent et participent chaque jour aux discussions sur #beGov et jusque #neverGov.
H
Post scriptum: si quelqu'un voit une jolie illu sur l'amitié FR/VL libre de droits je suis preneur. Merci