23 novembre 2011

Petite histoire du conflit Belge

C'est l'histoire d'un petit pays où cohabitent des gens différents.

Ben oui comme tous les pays me direz-vous. En effet, à quelques détails près.
Dans ce pays, les gens du nord parlent une langue germanique (le flamand, une espèce de néerlandais). Les gens du sud une langue latine (le français). Et les gens de l'est du sud, une autre langue germanique (l'allemand).

Splendide illu de MABI pour Le Soir

Sauf que ça n'a pas toujours été si tranché. (private joke pour les amateurs d'histoire)

En 1830, à la création de la Belgique, on parle surtout des patois au nord comme au sud. Des patois flamands au nord et des patois wallons au sud.
Et on parle aussi le français un peu partout, mais à des degrés très divers. Parce que le français à l'époque était la langue des cours et des rois et de la haute bourgeoisie. Par volonté d'émancipation sociale, par mimétisme avec le souverain voisin et par rejet des hollandais qui nous avaient conquis, le français s'imposa comme langue nationale.

Qui imposa ce choix? Il faut d'abord rappeler que le suffrage était à l'époque censitaire: il fallait disposer d'un certain revenu pour pouvoir voter. La noblesse et la grande bourgeoisie avaient la main sur les appareils de l'état. La haute bourgeoisie qui était majoritairement .... flamande. Bruges, Anvers, Gand, avaient alors un aura que même Liège n'avait pas. Bruxelles était déjà une ville fort mixte si je lis bien, avec son patois à elle, le brussels, dialecte néerlandais mâtiné de mots français (1).

Bruxelles avait en effet aussi connu une forte arrivée de réfugiés politiques français et de wallons francisés.

L'enseignement obligatoire diffusa également le français. Bref... Le français s'imposa en Wallonie, en flandres et à Bruxelles.

Au mépris, il faut le reconnaître, du flamand. Celui-ci dût attendre le début du 20ème siècle et 1921 pour commencer à être réellement reconnu. Il faut dénoncer cette triste réalité d'un état qui n'a pas pris en compte tous ses citoyens comme il aurait pu.

Un des paradoxes du mouvement flamand est que le français fût imposé à toute la belgique par des représentants majoritairement... flamands. Mais des flamands francophones. Pour s'en dédouaner les flamands disent que c'étaient des "fransquillons". Pas vraiment des flamands quoi.

Et là c'est un autre mythe fondateur du mouvement flamand. Cette croyance en la réalité d'un territoire linguistiquement parfaitement homogène. C'est une illusion. Le flamand du Limbourg ne parle pas le même néerlandais que celui de Kortrijk mais c'est comme ça. Demandez à un Marseillais de parler avec un Brestois. Plein de mots de patois diffèrent et c'est une richesse.

Il faut aussi se rappeler qu'en 1830 les Wallons parlaient le wallon et pas le français. Mais l'effort qui a été fait en Wallonie pour franciser a été assez bien pris. Mon grand-père était puni quand il parlait wallon à l'école. Sans susciter de révolte. Le wallon serait-il plus conciliant? Plus Panurge? Aucun en tout cas ne vote pour un parti qui réclame qu'on reparle le wallon à l'école, sans doute trop conscient du cadeau que représente une langue internationale.

Pour résumer, de longs conflits, des dizaines d'années, en passant le moment ou le mouvement flamand s'acoquine avec le nazisme, en ne s'appesantissant pas sur l'expulsion des francophones de l'Université de Leuven au cri de "Franse Ratten Rol uw Matten"; ("Rats francophones, roulez vos matelas" ... et partez)
Sans trop revenir sur ces marches neo-fascistes de militants flamands pour attester le caractère flamand de tel ou tel endroit, sur les ratonnades de francophones...
On assiste à une flamandisation de l'état aussi et des grands groupes industriels belges. Les postes clefs sont attribués de préférence à un flamand. Il n'y a plus eu de premier ministre francophone depuis une trentaine d'années. (edit: Di Rupo a au moins eu le mérite de changer cela.)
Il faut tout de même préciser qu'il n'existe AUCUN mouvement anti-flamand chez les francophones. Les actions ci-dessus n'ont jamais au grand jamais connu de pendants dans l'autre communauté.

En 1963, les flamands obtiennent une frontière linguistique. Chacun chez soi! Dorénavant les communes d'une Région seront obligatoirement linguistiquement monogames. Fini de se mélanger! Sauf Bruxelles, officiellement bilingue. (Les estimations parlent à ce jour d'une présence de 7 à 8% de néerlandophones à Bruxelles)

En contrepartie et pour tenir compte de la réalité selon laquelle aucun territoire belge n'est linguistiquement pur on crée des communes à facilités. Des communes qui sont dans une région d'une langue mais on leur reconnaît que l'autre langue y a une importance telle que ses habitants doivent se voir préserver le droit de parler leur langue. On crée aussi BHV. Un arrondissement électoral, judiciaire et administratif mixte. Les deux langues y sont reconnues, le système électoral combiné. BHV veut dire "Bruxelles - Halle - Vilvoorde" du nom des communes qui le composent.

La vie évolue et le mouvement flamand se radicalise.  La Belgique se structure en Régions et Communautés. On se sépare de plus en plus. La dernière pierre d'achoppement en date est BHV.  Les flamands veulent séparer Bruxelles de Halle et Vilvoorde. Que l'on puisse voter pour des francophones ou s'adresser à la justice en français dans ces communes flamandes est pour eux une insulte insupportable au caractère flamand de leur région. Or la "minorité" francophone y dépasse de loin les 7%, pouvant aller jusque 20 ou 30%, je cherche le pourcentage exact. Mais ces quelque 80.000 électeurs francophones DOIVENT être assimilés. Niés en quelque sorte. Et les facilités accordées plus haut il faut les supprimer. Qu'une commune à 80% francophones parle le français? Quel crime abominable.

Oui vous avez bien lu. Désolé, il n'y a pas d'autre façon de le dire. Ils s'opposent au droit des gens à parler leur langue dans une région où ils ont toujours habité, parfois depuis des générations.
Ils croient que les métropoles internationales comme Bruxelles ne grandissent pas. Et que si elles le font leurs habitants doivent s'adapter et émigrer en périphérie en acceptant de changer de culture.

A cela s'ajoute un conflit budgétaire. Car la flandre est économiquement pour le moment en meilleure santé. Elle accuse la Wallonie de vivre à ses crochets. Et la Région de Bruxelles d'être mal gérée.

Et pour cause, la Flandre, elle, ne doit pas gérer la fin de la sidérurgie wallonne qui a financé sa survie pendant 130 ans et lui a offert le port d'Anvers et tant d'autres infrastructures.
C'est aussi oublier que d'ici une quinzaine d'années les courbes démographiques feront que sans la Wallonie la Flandre ne saura pas payer ses pensions.
C'est sans compter qu'une grande partie de la prospérité flamande vient de Bruxelles. Et que celle-ci, si elle est mal gérée, c'est aussi à cause d'un territoire trop petit pour lui permettre de se financer seule et "grâce" aux blocages politiques que les flamands causent en utilisant leur sur-représentation dans les instances décisionnelles Bruxelloises.

Mais de précision l'extrémisme Flamand n'a cure.
Ils veulent être chez eux, dans un territoire sans minorité reconnue, avec une frontière linguistique qui s'apparente à une frontière d'état. La wallon est un "fainéant" et le Bruxellois un "gaspilleur".

Il faut préciser que les mouvements dits séparatistes ont obtenu près de 40% aux dernières élections. Il faut aussi dire que quand on confronte un flamand et cette statistique il répond souvent que "ça ne veut pas dire qu'il est séparatiste, il vote pour leur programme économique". Honte ou réel vote de duplicité? Et dangereux avec ça? Bonne question.
Reste que faire sécession pour les flamands signifierait perdre Bruxelles, majoritairement francophone et qu'ils n'y sont pas prêts. Au contraire ils veulent enclaver la ville pour l'emmener avec eux en cas de scission. C'est sans doute une des raisons de leur volonté de scinder BHV. Même si les séparatistes restent minoritaires.
Car bien que minoritaires ils ont le vent en poupe et leurs idées ont du succès auprès de la population. Les flamands sont sensibles au discours des partis radicaux qui se propage du coup aux partis dits traditionnels. Nous avons donc face à nous une classe politique flamande littéralement en train de concourir pour le titre de meilleur flamand. Au risque de s'éloigner de ce que veut le peuple? Peut-être. Ou au risque de le convaincre qu'ils ont raison. Autre radicalisation.

Face à cela les hommes politiques francophones ont toujours été extrêmement timorés. Parant au plus pressé. Cédant pour avoir la paix. Sans jamais porter de réel projet pour les régions francophones.
Car les francophones ils s'en fichent un peu en fait du conflit linguistique. Mais de moins en moins. Beaucoup commencent à en avoir marre ou à penser qu'on ne serait peut-être pas plus mal sans eux mais sans que ce soit réellement répercuté au niveau politique. Lire ceci au sujet des francophones (ook beschikbaar in het nederlands).

Voilà en gros ce qui se passe en belgique. Des flamands qui exigent et qui n'en ont jamais assez au nom d'un repli identitaire non unique en Europe mais néanmoins préoccupant. Des francophones qui cèdent mais qui ne peuvent pas décemment céder beaucoup plus.
A ce jour lors des négociations, ils ont déjà abandonné le respect des droits fondamentaux à l'accès à la justice ou l'administration dans leur langue pour les 80.000 personnes citées plus haut. Que leur reste-t-il en échange... ? Trente deniers... sans doute comme disait un ami récemment.
Et personnellement un peu de honte. La honte que l'on brade le droit des gens pour une éphémère et trompeuse pacification communautaire d'un conflit basé sur le rejet de l'autre.




6 commentaires:

  1. De mon point de vue de "français de gauche" je vois surtout qu'une élite, à savoir le Voka utilise le levier politique du nationalisme, la N-VA, pour arriver à ses fins, c'est à dire en gros, partir avec la caisse avant que la "pauvre" wallonie-Bruxelles ne réclame la solidarité. Pour moi toute cette légende flamande fabriquées à sens unique (les francophones coupables, forcément coupables doivent se repentir et les flamands revendiquer !) n'est qu'un faux nez mis sur le terrain économique.
    Ce qui me fait rire sous cape c'est que la Flandre seule se fera damer le pion par les Pays-Bas qui n'en veulent pas et par sa propre population vieillissante !
    :-))

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  2. ce que m'a dit un belge, "wallon" : chez nous, il n'y a ni argent, ni envie de travailler. Chez nous, on ne comprend naturellement pas pourquoi les flamands sont aussi méchants (il disait ca sur un ton ironique). C'est triste de voir que pendant un premier temps les uns bossent, les autres les regardent. ET que dans un second temps, il revendiquent et ne comprennent pas pourquoi ceux qui bossent en ont marre de ceux qui travaillent !
    Solidarité OUI. Mais trop bon... trop con. Ne serait-ce pas cela aussi, une réalité des divergences entre wallons et flamants ?

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  3. Je trouve que c'est une bien "belle" description de la situation actuelle. Et malheureusement, je ne sais pas du tout dans quelle direction nous allons, mais pas vers la paix.

    Il faut également noter plusieurs petites choses: au début, personne ne se posait la question des investissements dans une région ou une autre, vu que tout le monde se sentait belge. Maintenant, cela a bien changé.

    Par contre, il ne faut pas oublier la gestion catastrophique de la Wallonie. Le temps où la Flandre construisait une dorsale TGV reliant Paris à Amsterdam, avec leur part, les Wallons reconstruisaient la gare de Namur au lieu de partir vers Kôln et l'Allemagne. La Wallonie avait besoin d'infrastructure? Pas de problème, elle construit Strépy-Thieux. Il faut créer des emplois? Et bien Mittal reçoit de l'argent pour rester ouvert.

    Aujourd'hui, dans le Hainaut (d'où je viens) la situation est splendide: un entrepreneur ne peut pas vivre s'il ne fait pas du noir. Un chômeur travaille, mais au noir,... Tant et si bien que si le patron ou "l'employé" déclaraient, ils perdraient beaucoup de trop.

    Comment se sortir de cela? En sanctionnant les chômeurs? En interdisant le chômeur de longue durée? Super. Pour bénéficier des plans, il faut être chômeur de longue durée, sinon les employeurs n'engagent pas. C'est cela aussi la dure réalité de la Wallonie.

    Maintenant, un gros problème, c'est que les francophones n'ont pas de vision d'avenir. Alors que les flamands en ont une. Cela fait presque 2 ans qu'un plan "B" a été évoqué. Mais où en est-il? A-t-il seulement été pensé?

    Et nous irions où sans les compatriotes du Nord? Parce que mine de rien, ils nous sortent bien de la mouise pour le moment. Je n'ose même pas imaginer ce que nous ferions sans eux. Mais à quel prix? C'est cela aussi le problème.

    Ce qui est triste, c'est qu'un mélange de mauvaise gouvernance et d'aveuglement n'a rien voulu faire contre la montée de l'extrémisme et du radicalisme au nord.

    On rajoute à cela un De Croo qui veut laver plus blanc que blanc et un Michel qui ferait passer Judas pour un débutant de la trahison et nous nous retrouvons dans une situation totalement ubuesque.

    Une Belgique sans unité, une Wallonie sans projet et une Flandre nationaliste. Et bien, il ne manquerait plus qu'AlbertII passe l'arme à gauche pour que nous ayons réellement une profonde remise en question du pays.

    Au fait, comment va le modèle de gestion à la Flamande, la KBC?

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  4. Bon résumé à usage externe.
    Qui n'entre pas dans le détail des différents niveaux de pouvoir. Peut-être pour un épisode suivant ? ;-)

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  5. @Hugues
    Merci pour cette présentation de la tension flamands-wallons. Etant français de France, je n'ai jamais compris en quoi consistait ce litige linguistique belge. Apres la lecture de votre article, j'en sais un peu plus sur cette question politique. Je serai intéressé de lire le point de vue d'un flamand.

    A priori, un petit pays est mieux géré qu'un grand. Mais faire sécession risque de faire autant de mécontents que de contents.

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  6. Merci d'avoir pris le temps de le lire et de commenter :)

    Le point de vue d'un flamand... ils sont multiples heureusement mais la tendance vire très fort à la désinformation.

    Monsieur ou Madame tout le monde va ainsi assez souvent être persuadé que le francophone les opprime linguistiquement et économiquement. Qu'ils seraient mieux sans le poids mort que représente la wallonie qui coûte "une voiture par ménage flamand" (sic, c'est un point réel du discours de la N-VA)

    En gros les points que je dénonce comme le mythe de la pureté linguistique sont des choses que les flamands prennent pour acquis et vérité historique.
    Le droit du sol contre le droit des personnes aussi. Ils sont "chez eux" et les gens qui parlent une autre langue doivent "s'adapter", c'est une "question de respect"...

    Heureusement tout n'est pas noir et des représentants politiques comme Ann Brusseel ou Els Ampe tentent de renverser la tendance.

    Par exemple ici : http://www.annbrusseel.be/bericht/ils-agissent-dans-la-peur

    Encore merci et une excellente soirée !

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