outre l'absence de toute étude de mobilité,
outre donc l'afflux supplémentaire de 4000 véhicules par jour sur un Quai Orban déjà saturé,
outre le fait que l'on coupe en deux le quartier du longdoz, concession faite d'un maigre couloir,
outre le rétrécissement de la rue Gretry que les usagers seront "dissuadés" d'emprunter, alors qu'on y roule déjà au pas une majeure partie de la journée...
Outre tout ceci donc, voici un extrait d'article paru dans Culture, le magazine culturel de l'Université de Liège : ( http://culture.ulg.ac.be/jcms/prod_132052/la-mediacite-de-liege - merci Manu pour le lien)
Il a été écrit par Pierre Henrion, historien de l'art, enseignant à l'E.S.A-Académie des Beaux-Arts de Liège et conservateur au Musée en plein air du Sart Tilman.
[...]
"Les limites de mon article ne permettent pas d'analyser en profondeur ce que révèle cette rhétorique « bling bling » [celle du livret de présentation ndlr] . On sait très bien que la Médiacité ne sera qu'un centre commercial comme les autres, avec la même sorte de magasins qu'à Belle-Île ou qu'à l'îlot Saint-Michel et la même ambition : faire de l'argent. Mais on voudrait nous faire croire que non : ici, ce sera un « centre commercial culturel ... ou l'inverse », écrit Raymond Balau sur un ton sarcastique (Médiacité (Liège) : www.ronarad.com in L'Art même, n°41, p. 43). Il y a même des cautions culturelles comme les futures installations de la RTBF et surtout l'intervention d'une vedette de la création contemporaine : Ron Arad, enfant terrible du design britannique aujourd'hui consacré par une rétrospective présentée à Paris au Centre Pompidou et au Moma de New York.
On sait aussi très bien que les promoteurs du projet « travaillent » sur une population-cible. Mais, ici, tout le monde ira voir. Sans aucun doute quelques touristes y prendront-ils même un Coca Light entre deux photographies du matériau de couverture high tech employé pour mettre en œuvre ce qu'ils voient de l'intervention d'Arad : une rue intérieure - le mall - ondulante sur quelque 350 m et coiffée par une charpente métallique à double courbure, espèce de réseau irrégulier de lignes entrecroisées aux vides comblés par des panneaux en EFTE, ce fameux polymère que nous avons tous remarqué en parement de la piscine des derniers J.O. de Pékin.
Parce qu'en définitive, on peut se demander si la question n'est pas juste là : réussir un coup médiatique en associant le nom d'un créateur international à un édifice pour faire rejaillir sur ce dernier « amour, gloire et beauté ». On a même ici la très (très) nette impression qu'on a incrusté le travail de Ron Arad dans un complexe commercial préexistant et conçu selon les poncifs du genre : des grands volumes parallélépipédiques sans identité particulière. Il en va ici comme de la cerise sur le gâteau, du pin's au rebord du veston ou de la Rolex au poignet de Jacques Séguéla. On est dans l'ordre de l'ornement ; Adolf Loos [architecte autrichien, défenseur du dépouillement intégral dans l’architecture moderne.] doit encore se retourner dans sa tombe. Sans doute, le geste du designer anglais a de la singularité, surtout en front de Meuse, avec sa protubérance reptilienne de métal et de verre. Mais, ce n'est qu'un signal urbain pour indiquer au client qu'il est ici et pas ailleurs, et qu'ici le fromage de Herve, la gaufre au sucre, le boulet à la liégeoise ou le « sachet » de frites sont meilleurs et moins chers que plus loin. Rien de plus. Contrairement à ce que voudrait le communiqué de presse de Wilhelm & Co, il n'y a pas de quoi en faire un monument face aux bâtiments des Guillemins dessinés par Santiago Calatrava... et, Raymond Balau d'ajouter qu' « il se trouvera bien une Zaha Hadid pour jeter un pont habité et achalandé, de la gare au mall, tout en courbes voluptueuses, pour parachever le Grand-Œuvre à l'aide de fonds FEDER, car on pense à Bilbao » (op. cit.). Peut-être vaudrait-il mieux parfois penser à Liège ?"
Car oui, encore une fois, c'est le liégeois que l'on oublie sur l'autel de ce projet. La satisfaction d'un endroit de plus pour faire ses courses ne compense en rien les désagréments qui vont l'accompagner.
Un peu comme la foire de Liège qui nous sucre en croustillons un bon millier de places parking au profit des touristes et des forains et transforme en enfer le geste quotidien de déposer les enfants à l'école, un peu comme l'idée d'implanter le standard à Coronmeuse, tout à fait comme le refus de rendre le Palais de Justice aux Liégeois alors qu'on pourrait y avoir des terrasses dignes de la Place Saint Marc, et exactement comme l'obstination de nos "urbanistes" à ériger un nouveau Palais de Justice sur un site déjà trop petit le jour de son inauguration ou encore la chaîne de mauvaises décisions qui vont amener Saint-Joseph à déménager en périphérie, répétant l'erreur du CHU, alors qu'un hôpital doit être un service de proximité, ne fut-ce que pour y amener les urgences et pour l'accessibilité en transports en commun...
Liège a besoin d'élans, oui, mais d'élans réfléchis et d'une réelle valeur ajoutée. Oui, on parle d'un millier d'emploi et ce n'est pas négligeable. Liège en a besoin. Mais ce chiffre aurait été le même et la rénovation du quartier beaucoup plus réussie si l'on avait intégré ce projet dans une vision globale, plutôt que de s'arrêter à voir les deux rues qui l'entourent et le cash flow de Wilhelm & Co. (le promoteur, NDM)
--
Publié pour le première fois en note sur facebook le 21 octobre 2009 - 10:02AM
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire