En Belgique 80% de l'emploi privé est dans les PME;
Les grandes entreprises, choyées par le gouvernement, niches fiscalisées, hautement subsidiées en certificats verts ou autres ne représentent qu'une toute petite partie de notre économie. Seul un patron sur 20 est un grand patron. Les 19 autres, beaucoup moins médiatisés pourtant, sont ceux qui font réellement tourner le pays.
Les plus petites structures sont aussi probablement la seule façon de développer des emplois non subsidiés durables.
Ces structures qui devraient être l'objet de toutes les attentions, voici comment on les traite : l'expérience de mon ami Antoine Bini, patron de La Cour Saint-Jean à Liège. Le texte ci-dessous est de lui et relate sa dernière expérience. Ce n'est malheureusement pas la seule mésaventure du genre qu'il a pu connaître, ni une exception dans la vie d'un indépendant, mais elle est révélatrice d'une réelle déconnexion entre la réalité et l'appareil de l'état. On tue les entrepreneurs à coups de règlements ineptes, taxes ahurissantes et autres impôts à plus de 309%.
La Meuse d'aujourd'hui publiait un article sur le nombre record de faillites à Liège. Après avoir lu ceci, vous ne vous demanderez plus pourquoi. Entre un ami qui doit arrêter de faire payer ses concerts parce que la SABAM lui réclamait plus que son cachet pour jouer ses compos perso et les mille autres exemples du genre... Edifiant, mais outrant surtout. On voudrait fabriquer des chomeurs qu'on ne ferait pas autrement.
Au secours!
Le texte d'Antoine:
En 2008, Les Trois Rivières (un café fête Liégeois, ndm) se font contrôler par la ministère de l'intérieur. Ce bar avait à l'époque des portiers qui ne disposaient pas de ce statut.
A cette occasion nous découvrons qu'en tant que patron de café nous devons disposer d'un agrément ministériel, éventuellement consenti après 3 mois de formation à Marchienne-Au-Pont, un mémoire de fin de formation, et plein de choses très utiles au patron de Group4, moins à un pauvre patron de bistrot et son unique portier.
(formation à 1200 euros + les trajets)
Nous nous inscrivons à plusieurs patrons, et nous nous retrouvons au milieu de portiers voulant devenir chefs, ou de responsables de la sécurité de grands groupes comme Carrefour...
Pendant cette formation je suis à mon tour contrôlé. La situation est simple : mon portier est bien déclaré comme tel, il est assuré pour 3 millions d'euros de responsabilité civile (comme la loi l'impose), et il dispose de la formation "Loi Tobback". Evidemment, étant en cours de formation, je ne dispose pas encore de mon autorisation de "dirigeant d'agent de sécurité".
La contrôleuse me dit "Vous savez, j'ai fait le droit à Liège, j'ai dansé sur les tables de la cour durant toutes mes études, vous êtes quasiment en règle, je ne vais vous mettre qu'un avertissement."
Le policier Liégeois, plein de principes, insiste pour qu'on me dresse tout de même un procès verbal en signalant qu'il ne les a quand même pas fait venir pour rien...
La gentille fonctionnaire me dresse alors un PV dans lequel elle insiste bien sur la petitesse de l'infraction.
Je réussis les examens et obtiens mon agrément ministériel et le droit de payer une redevance de 750 euros par an au fond des entreprises de gardiennage.
En 2010 je passe au tribunal. Le juge me dit : "Vous savez, j'ai fait le droit à Liège, je connais très bien la cour, j'y ai dansé sur les tables. Je reconnais que les amendes pour ce type d'infractions sont exagérées, d'autant que vous auriez risqué moins au pénal. Mais je n'ai pas envie de m'en occuper, ce jour là vous n'étiez pas en règle, donc je vous condamne à l'amende minimum."
Amende minimum (12500)+ frais de justices adverses + mes frais de justices = 15.600 euros
Puis plus aucune nouvelle à part le jugement... j'attends l'ordre de paiement, pour demander un échelonnement de paiement...
Celui-ci arrive lundi il y a deux semaines, soit 2 ans plus tard... Malgré le fait que ce soit le premier document que je reçoive, le paiement doit être effectué dans les 24h.
Evidemment, puisque deux ans se sont écoulés avant de recevoir le document, ils comptent 2700 euros d'intérêts, non pas depuis le jugement, mais depuis l'infraction.
Alors, au risque d'énerver mes amis du PTB puisque je ne suis qu'un enculé de patron et que je n'ai certainement que ce que je mérite, je ne m'étonne pas du tout du nombre de faillites dans ce pays...
Entreprends, travaille, et on te détruira.
Un petit verre calme à la Cour :) |